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Relations de voisinage / Droit de propriété / Ouvrage public / Voie de fait / Démolition

Cass. Civ. III: 30.4.03


Dans le but de capter l'eau d'une source, une commune implante un château d'eau empiétant sur la parcelle d'un particulier. Celui-ci saisit le juge judiciaire afin d'obtenir la démolition du bâtiment, le rétablissement de la source en son état initial et le paiement de dommages et intérêts.

Les juges du fond constatent l'empiétement, constitutif d'une voie de fait, mais refusent d'ordonner la démolition du bâtiment, au motif qu'il constitue un ouvrage public et que, selon la formule consacrée, " ouvrage public mal planté ne se détruit pas ".

La Cour d'appel, dont l'arrêt fut rendu en 2001, s'appuyait sur un principe jusqu'ici jamais remis en cause ni par la Cour de cassation, ni par le Conseil d'Etat.

Toutefois, le Tribunal des conflits (TC : 6.5.02), ainsi que la Haute juridiction (CE : 29.1.03) ont, entre temps, sinon remis en cause, du moins adapté le principe selon lequel l'ouvrage public mal planté ne se détruit pas.

La Cour de cassation, dans la lignée de ces décisions, casse l'arrêt de la Cour d'appel et juge que " si les juridictions de l'ordre judiciaire ne peuvent prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l'intégrité ou au fonctionnement d'un ouvrage public, il en va autrement lorsque la réalisation de l'ouvrage procède d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'autorité administrative et qu'aucune procédure de régularisation appropriée n'a été engagée ".

La Cour de cassation reprend ainsi presque mot pour mot, la motivation de l'arrêt du 6 mai 2002 du Tribunal des conflits. Toute atteinte au droit de propriété pouvant être qualifiée de voie de fait pourra donc donner lieu au rétablissement matériel des droits de la victime.

On notera une légère différence sur ce point entre la position de la Cour de cassation et celle du Conseil d'Etat, puisque ce dernier recourt à la théorie du bilan pour déterminer s'il est justifié de prononcer la démolition d'un ouvrage public. Entrent en compte dans ce bilan, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraînent pour les divers intérêts publics ou privés, d'autre part les conséquences de la démolition pour l'intérêt général. La démolition ne sera ordonnée que si elle n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

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