Convention conclue entre l'Etat et les bailleurs : conséquences de l'expiration de la convention sur le bail
N° 2004-44 / A jour au 19 mars 2012
Le régime du conventionnement détermine les règles qui régissent la relation bailleur, locataire. Elles sont dérogatoires au droit commun et s'appliquent pendant la durée de la convention (CCH : art. L. 353-1).
Qu'en est-il au terme de ce régime dérogatoire ? Comment revient-on à l'application du régime de droit commun ?
Plus particulièrement, le bailleur peut-il donner congé au terme de la convention et quelles pourraient être les règles applicables ?
Quelles sont également les règles applicables en matière d'augmentation du loyer ?
Ni la jurisprudence, ni la doctrine n'ont abordé ces questions.
Rappel des principes
La volonté du législateur pendant la durée de la convention était d'imposer au bailleur en contrepartie des aides financières de l'Etat, des contraintes dans sa relation avec le locataire : loyers réglementés, obligation d'affecter le logement conventionné à la location pendant toute la durée de la convention, impossibilité de donner congé au locataire. Il en résulte une protection accrue du locataire.
Les logements conventionnés sont soumis à des dispositions particulières dérogeant au droit commun des rapports locatifs (les dispositions législatives et réglementaires sont définies dans le CCH : art. L. 353-2 à L. 353-13 et R. 353-32 et suivants pour le conventionnement ANAH).
Afin d'éviter des contradictions entre les règles particulières du conventionnement et celles fixées par la loi du 6.7.89, cette dernière énumère strictement les règles applicables aux logements régis par une convention ainsi que celles qui ne le sont que partiellement (loi du 6.7.89 : art. 40 III).
Les règles définies par la loi du 6.7.89 (art. 15) en matière de congé du bailleur (règles de forme et de fond : préavis de 6 mois pour le terme du bail, motivation du congé…) ne sont pas applicables aux logements régis par la convention (art. 40 III).
Ainsi, pendant toute la durée de la convention, le contrat de location est reconduit tacitement par périodes de trois ans sans possibilité pour le bailleur de délivrer un congé (CCH : art. R. 353-39 / annexe art. 18).
Volonté de faire coïncider le terme du bail avec le terme de la convention
Selon la logique du conventionnement ANAH, le terme d'une période de reconduction du bail devrait coïncider avec le terme de la convention.
Différentes règles sont énoncées dans le conventionnement ANAH pour permettre la mise en œuvre de ce principe :
- le premier bail, s'il est conclu au cours des trois premières années de la convention, est limité à la durée restant à courir jusqu'au 30 juin suivant la troisième année de la convention ;
- pendant la durée de la convention, sa reconduction est ensuite opérée pour des périodes de trois ans ;
- en cas de vacance, le nouveau locataire est substitué de plein droit à l'ancien (article 18 de la convention-type).
En pratique, le plus souvent, le premier bail est établi sur trois ans et ne coïncide pas avec le terme de la première période de la convention.
Dans le meilleur des cas, même si la durée du premier bail est ajustée sur la durée de la première période de la convention, au premier changement de locataire, le montage juridique de départ s'effondre car le bailleur omet de substituer le nouveau locataire dans le contrat initial. Un nouveau bail est établi à chaque nouvel entrant si bien que le terme du contrat de location ne coïncide plus avec le terme de la convention.
Droits du bailleur au terme du bail conclu en application de la convention: règles applicables au congé
Il s'agit d'examiner comment s'opère la transition du régime dérogatoire vers le régime général. Plusieurs analyses peuvent être avancées.
Application des règles contractuelles
Cette hypothèse suppose une durée de bail calée sur la durée de la convention et en cas de changement de locataire, le respect du principe de substitution.
Le terme du bail intervient à la même date que le terme de la convention, dans ce cas une analyse littérale des textes pourrait nous conduire à la situation suivante :
- Six mois avant son terme par acte extrajudiciaire, le bailleur dénonce la convention, et en informe le locataire.
- Par recours au Code civil (art. 1737), le bail pourrait cesser à la date d'expiration de la convention.
Cela supposerait une mention expresse indiquant que le bailleur a entendu limiter la durée d'occupation des lieux à la durée de la convention (ce que ne prévoit pas la convention type) et ce serait faire application des règles du Code civil à un logement vide, loué à titre de résidence principale et assujetti partiellement à la loi de 89.
Reconduction automatique du bail
Il n'existe aucune disposition transitoire autorisant expressément le bailleur à donner congé à l'issue du conventionnement.
Lorsque le bail prend fin à la date d'expiration de la convention, une tacite reconduction s'opèrerait automatiquement (sous réserve du droit à renouvellement avec proposition d'une majoration de loyer / voir règles applicables au loyer), et celle-ci serait intégralement soumise aux dispositions de la loi de 89. Ce n'est qu'à l'issue de cette nouvelle période qu'un congé pourrait être délivré par le bailleur dans les conditions de l'article 15.
Lorsque le bail prend fin au moins six mois après l'expiration de la convention, le congé du bailleur (en application de l'article 15) pourra être valablement délivré. Avant le congé ne serait pas valable car délivré pendant la période où le logement est encore conventionné.
Telle est la position soutenue par la DHUP. Cette position a été rappelée dans une réponse ministérielle du 24 janvier 2012.
Congé selon les règles de la loi du 6.7.89
Au terme du régime dérogatoire attaché au conventionnement, le logement se trouve soumis à la loi du 6.7.89 dans l'intégralité de ses dispositions. Le conventionnement empêche seulement l'application de certains articles de la loi de 89 pendant sa durée.
Du fait de sa dénonciation, les contraintes imposées au bailleur pendant le cours de la convention cesseraient, il pourrait donc à nouveau disposer de son bien, mais serait tenu, par les règles du régime général applicables à tous les logements vides loués à titre de résidence principale (même si la rédaction des textes est imparfaite).
Le bailleur pourrait donner congé pour le terme du bail (correspondant au terme de la convention ou intervenant à une date postérieure) et serait tenu de respecter les formes et les délais prévus par l'article 15 de la loi du 6.7.89 en matière de congé.
Cette analyse peut poser problème dans l'hypothèse particulière mais rarissime où le bail le terme du bail coïncide avec le terme de la convention car le congé devra être donné pendant le cours de la convention du fait de l'obligation de respecter un préavis de 6 mois et pourrait produire des effets alors que la convention serait encore en cours.
ex : un congé pour vente est adressé au locataire qui accepte l'offre, la réalisation de la vente sans recours à un prêt doit dans ce cas, intervenir dans le délai de deux mois suivant acceptation de l'offre par le locataire. La vente pourrait donc avoir lieu alors que la convention serait encore en cours, les obligations du vendeur résultant de la convention seraient alors transférées à l'acquéreur).
La présentation de ces différentes solutions montre qu'il est difficile de trancher. Il conviendra donc d'être prudent dans l'information à donner aux parties dans l'attente d'une décision de la Cour de cassation.
Droits du bailleur au terme du bail conclu en application de la convention: règles applicables au loyer
En fonction de l'analyse retenue précédemment sur le congé, les règles applicables en matière d'augmentation de loyers seront différentes.
- Si le bail cesse à la date d'expiration de la convention par application du Code civil (art. 1737), un nouveau bail intégralement soumis à la loi de 89 pourrait être proposé au locataire avec un loyer initial libre.
- Dans les autres cas de figure, l'article 17 c applicable pendant le cours de la convention, devrait également être utilisé après sa dénonciation.
Ainsi le loyer manifestement sous évalué pourrait être réévalué par rapport aux loyers du voisinage et la hausse serait étalée par tiers ou sixième selon son montant et la durée du bail (sous réserve des dispositions applicables dans l'agglomération de Paris).