Réforme du droit des sûretés
N° 2021-08 / À jour au 7 janvier 2022
Ordonnance n° 2021-1192 et rapport au Président du 15.9.21 : JO du 16.9.21 / Décrets n° 2021-1887, n° 2021-1888 et n° 2021-1889 du 29.12.21 : JO du 30.12.21
Prise en application de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (cf. analyse juridique n°2019-08), l’ordonnance du 15 septembre 2021 procède à une réforme du droit des sûretés.
L’objectif de l’ordonnance est de simplifier le droit des sûretés et de renforcer son efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers et ceux des débiteurs et des garants.
Sauf indication contraire, ses dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2022.
L’ordonnance s’applique également en outre-mer, mais sous réserve d’exceptions.
Trois décrets du 29 décembre 2021 fixent les modalités réglementaires d’application de l’ordonnance.
L’analyse juridique ci-dessous présente les mesures en lien avec le logement.
Ouverture de la signature électronique pour les sûretés personnelles ou réelles
(ord. : art. 26 / CC : art. 1175)
Les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles peuvent désormais être signés par voie électronique. Auparavant, cette possibilité n’était ouverte que lorsque la personne agissait pour les besoins de sa profession.
Cette modification permet de dématérialiser l’ensemble des cautionnements. Pour autant, les exigences formelles demeurent. Ainsi, pour le cautionnement, la caution personne physique devra toujours apposer une mention, mais de manière électronique (CC : art. 1175) (cf. §. Formation et étendue du cautionnement).
Cautionnement
(ord. : art. 2 à 5 et art. 37 / CC : art. 2288 à 2320 [nouveaux])
L’ordonnance procède à une réécriture complète du chapitre du Code civil consacré au cautionnement. Elle réunit au sein de ce chapitre l’ensemble des dispositions relatives au cautionnement aujourd’hui réparties au sein de différents codes (Code de la consommation, Code monétaire et financier…) ou dans des lois non codifiées (par exemple, la loi du 6 juillet 1989 relative aux baux d'habitation).
Ces différents codes et lois sont modifiés et certaines de leurs dispositions relatives au cautionnement sont abrogées afin de tenir compte de cette réorganisation.
Ces mesures ne s’appliqueront qu’aux cautionnements conclus à compter du 1er janvier 2022 (ord. : art. 37). Les cautionnements conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public.
Toutefois, les dispositions modifiant l’obligation d’information annuelle de la caution personne physique par les créanciers professionnels (CC : art. 2302 à 2304 nouveaux, cf. §. Effets du cautionnement) seront applicables dès le 1er janvier 2022, y compris pour les cautionnements et les sûretés réelles pour autrui constitués antérieurement (cf. §.Sûretés réelles : dispositions générales).
Dispositions générales
(ord. art. 2 / CC : art. 2288 à 2291-1 [nouveaux])
Les principales définitions nécessaires à la compréhension du cautionnement sont modifiées ou modernisées.
Le cautionnement est désormais défini comme “le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci”.
Un cautionnement peut être souscrit à la demande du débiteur principal, sans demande de sa part ou même à son insu.
Le cautionnement est légal lorsque la loi subordonne l'exercice d'un droit à la fourniture d'un cautionnement (la souscription d’un cautionnement peut, par exemple, être obligatoire pour l’exercice de certaines professions telles que les agents immobiliers, les administrateurs de biens ou encore les syndic de copropriété, loi du 2.1.70 : art. 3, 2° ) ; il est judiciaire lorsque la loi confère au juge le pouvoir de subordonner la satisfaction d'une demande à la fourniture d'un cautionnement (par exemple, la mise en place d’un cautionnement peut-être exigée par le juge lorsqu’une personne est placée sous contrôle judiciaire).
L’ordonnance opère également une distinction entre le cautionnement simple et le cautionnement solidaire. Elle précise que la solidarité peut s’appliquer :
- entre la caution et le débiteur principal ;
- entre les cautions, s’il en existe plusieurs ;
- entre toutes les cautions et le débiteur principal.
Les notions de certification de caution et de sous-caution sont précisées afin de clarifier ces deux pratiques et de limiter les risques de confusion. La certification de caution est ainsi définie comme la faculté de se porter caution de la personne qui a cautionné le débiteur principal envers le créancier. La sous-caution est le contrat par lequel une personne s'oblige envers la caution à lui payer ce que peut lui devoir le débiteur à raison du cautionnement.
Formation et étendue du cautionnement
(ord. : art. 3 / CC : art. 2292 à 2301 [nouveaux])
Étendue du cautionnement
(CC : art. 2292 à 2296 et 2301 [nouveaux])
Conformément au droit commun des obligations, le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures, déterminées ou déterminables. Par exemple, en matière de baux d’habitation, le cautionnement peut garantir le paiement du loyer, des indemnités d’occupation, des charges et des éventuelles dégradations locatives.
L’ordonnance reprend les anciennes dispositions du Code civil et consacre plusieurs principes édictés par la jurisprudence.
Ainsi, le cautionnement, comme auparavant, ne peut exister que pour une obligation valable. Toutefois, celui qui se porte caution d'une personne physique dont il savait qu'elle n'avait pas la capacité de contracter est tenu de son engagement.
Le cautionnement doit être exprès et ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. Il couvre les accessoires et les intérêts de l'obligation garantie, mais ne peut en revanche excéder la dette principale, conformément au caractère accessoire de cette garantie.
Enfin, il est précisé, dans le cadre d’un cautionnement légal ou judiciaire (cf. §. Dispositions générales), que la caution doit avoir une solvabilité suffisante pour répondre de l'obligation. Si cette caution devient insolvable, le débiteur doit lui substituer une autre caution (ou une sûreté réelle suffisante), sous peine d'être déchu du terme ou de perdre l'avantage subordonné à la fourniture du cautionnement.
Mention apposée par la caution personne physique
(CC : art. 2297 [nouveau])
Actuellement, différentes dispositions (Code civil, loi du 6 juillet 1989, Code de la consommation…) imposent, comme condition de validité du cautionnement, que la caution appose elle-même dans l’acte de cautionnement une mention spécifique, dont le contenu est strictement déterminé.
Afin d’unifier ces différents régimes et de limiter le risque de contentieux liés à la reproduction de cette mention, l’ordonnance précise, dans le Code civil, les dispositions applicables à cette mention obligatoire, qui s’impose désormais à tous les cautionnements souscrits par une personne physique, quelle que soit l’identité du créancier.
Toujours prévu à peine de nullité, le contenu de cette mention n’est toutefois plus strictement déterminé. La caution personne physique doit indiquer qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres.
Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle doit reconnaître dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu'il poursuive d'abord le débiteur ou qu'il divise ses poursuites entre les cautions. À défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices. La personne physique qui donne mandat à autrui de se porter caution doit également respecter cette obligation.
En cas de contestation, il appartiendra au juge d'apprécier le caractère suffisant de la mention.
Afin d’unifier les dispositions applicables en matière de baux d’habitation avec le nouveau régime prévu par le Code civil, l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 est modifié. La caution devra ainsi apposer la mention prévue par le nouvel article 2297 du Code civil.
Enfin, pour permettre la conclusion d’un cautionnement dématérialisé (cf. § Ouverture de la signature électronique pour les sûretés personnelles ou réelles), il n’est plus exigé que la mention apposée par la caution soit nécessairement manuscrite. La caution pourra apposer la mention par voie électronique, dès lors que le processus choisi par les parties permet de garantir que l’apposition de la mention a bien été réalisée par la caution elle-même, conformément aux dispositions de l’article 1174 du Code civil.
Exceptions opposables par la caution
(CC : art. 2298 [nouveau])
En contradiction avec la jurisprudence actuelle (Cass. Ch. mixte : 8.6.07, n°03-15.602) qui considère que la caution ne peut opposer que les exceptions inhérentes à la dette, l’ordonnance pose un nouveau principe selon lequel la caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, qu'elles soient personnelles à ce dernier (telle que la nullité du contrat principal en raison d’un vice du consentement) ou inhérentes à la dette (notamment l’exception d’inexécution ou la compensation de dettes connexes).
Toutefois, la caution ne peut se prévaloir de :
- l’incapacité du débiteur, si elle en avait connaissance (cf. § étendue du cautionnement),
- des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance (telle qu’une mesure de surendettement par exemple), sauf dispositions spéciales contraires.
Créancier professionnel : devoir de mise en garde de la caution et exigence de proportionnalité de l’engagement
(CC : art. 2299 et 2300 [nouveaux])
Actuellement, la caution “non avertie” bénéficie d’un devoir de mise en garde de la part du créancier professionnel (dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n'est pas principale, Cass. Civ. I : 9.7.09, n°08-15.910). Ce dernier doit ainsi l’avertir de l’inadaptation de l’engagement du débiteur principal à ses capacités financières (Cass. Com : 7.2.18, n°16-18.701). Cette obligation repose toutefois sur la notion de caution “non avertie”, consacrée par la jurisprudence et appréciée souverainement par le juge (concernant notamment une personne physique s’étant portée garant du prêt bancaire accordé à une SCI : Cass. Civ I : 3.6.15, n°14-13.126, Cass. Civ I : 19.5.21, n°19-20.568).
L’ordonnance intègre le devoir de mise en garde du créancier professionnel au sein du Code civil. Dans un souci de cohérence avec les autres mesures de protection mises en œuvre, et afin de limiter le risque de contentieux lié à la notion de caution “non avertie”, cette obligation s’applique pour l’ensemble des cautions personnes physiques.
Le créancier professionnel est désormais tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. À défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par cette dernière. Auparavant, la mise en jeu de sa responsabilité ouvrait droit à des dommages et intérêts (Cass. Com : 20.10.09, n°08-20.274).
En complément à ce devoir de mise en garde, l’ordonnance unifie les dispositions relatives à l’exigence de proportionnalité du cautionnement. Ainsi, le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel ne doit pas être, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution. À défaut, il est réduit au montant à hauteur duquel la caution pouvait s'engager à cette date. Auparavant, le non-respect de cette exigence de proportionnalité entraînait la décharge totale de la caution.
À noter : la qualité de créancier professionnel est appréciée au cas par cas par la jurisprudence.
Par exemple, une SCI, même exclusivement familiale, a pu se voir reconnaître la qualité de créancier professionnel compte tenu du fait que son objet social était bien de mettre en location un ou des biens immobiliers pour faire fructifier son investissement, en tirer des revenus et de constituer un patrimoine pour ses associés. Les juges du fond ont considéré que les liens familiaux des membres de la SCI, le nombre de biens immobiliers mis en location, le fait qu’elle ne soit pas soumise à l’impôt sur les sociétés et la faible importance de ses profits étaient sans incidence sur cette qualification (CA Angers : 4.6.19, n°16/02469, CA Paris : 15.1.14, n°12/01489).
En sens contraire, dans certaines décisions, la qualité de créancier professionnel n’a pas été reconnue à une SCI exclusivement familiale, constituée dans le but de gérer un seul bien immobilier, la qualité de créancier professionnel ne pouvant se déduire du seul constat que l’objet social de la bailleresse est de louer le bien et que la créance invoquée est bien née de cette activité (CA Paris : 13.6.14, n°13/10165, CA Lyon : 12.3.13, n°12/02162).
Effets du cautionnement
(ord. : art. 4 / CC : art. 2302 à 20312 [nouveaux])
Effets du cautionnement entre le créancier et la caution
(CC : art. 2302 à 2307 [nouveaux])
Créancier professionnel : obligation d’information annuelle de la caution (CC : art. 2302 à 2304 [nouveaux])
L’ordonnance unifie les conditions, le contenu et les sanctions prévus dans le cadre de l’information annuelle de la caution, telle que prévue notamment par le Code civil, le Code de la consommation et le Code monétaire et financier.
Le champ d'application de cette obligation d'information n'est pas modifié. Elle s’applique aux cautionnements souscrits par une personne physique envers un créancier professionnel et à ceux souscrits par une personne morale envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d'un concours financier accordé à une entreprise.
Dans ce cadre, le créancier est tenu, à ses frais :
- de faire connaître à la caution, avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal de la dette, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie ;
- de rappeler à la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci peut être exercée.
Le non-respect de cette obligation entraîne la déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de la précédente information et celle de la communication de la nouvelle information.
En complément de cette obligation, le créancier professionnel est également tenu envers la caution personne physique d’une obligation d’information sur la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée.
Dans les rapports entre le créancier et la caution, il est précisé que les paiements effectués par le débiteur pendant cette période sont imputés prioritairement sur le principal de la dette.
L’information de la sous-caution personne physique est désormais également garantie, puisque la caution doit lui communiquer à ses frais les informations qu'elle a reçues dans le cadre de ces obligations d’information du créancier, dans le mois qui en suit la réception.
Bénéfice de discussion et de division de la caution (CC : art. 2305 à 2306-2 [nouveaux])
L’ordonnance reprend, en les modernisant, les anciennes dispositions relatives au bénéfice de division et de discussion (CC : art. 2298 à 2301 anciens)
Le bénéfice de discussion permet à la caution d'obliger le créancier à poursuivre d'abord le débiteur principal. Il doit être invoqué par la caution dès les premières poursuites dirigées contre elle. La caution doit indiquer au créancier les biens du débiteur susceptibles d'être saisis (excepté les biens litigieux ou grevés d'une sûreté spéciale au profit d'un tiers).
Si le créancier omet de poursuivre le débiteur, il répond à l'égard de la caution de l'insolvabilité de celui-ci à concurrence de la valeur des biens utilement indiqués.
Le bénéfice de discussion ne peut pas être invoqué par :
- la caution ayant renoncé à ce bénéfice ;
- la caution tenue solidairement avec le débiteur ;
- la caution judiciaire.
Lorsque plusieurs personnes se sont portées caution de la même dette, elles sont chacune tenues pour le tout. Le bénéfice de division, opposé au créancier par la caution poursuivie, impose à ce dernier de diviser ses poursuites. Il ne peut réclamer à chaque caution que sa part de la dette.
Le bénéfice de division doit être invoqué par la caution dès les premières poursuites dirigées contre elle et ne peut être mis en œuvre qu'entre cautions solvables. L'insolvabilité d'une caution au jour où la division est invoquée est supportée par celles qui sont solvables. La caution qui a demandé la division ne peut plus être recherchée à raison de l'insolvabilité d'une autre, survenue postérieurement. Si le créancier a divisé de lui-même son action, il ne peut plus revenir sur cette division, même s'il y avait, au temps de l'action, des cautions insolvables.
Les cautions solidaires entre elles et les cautions qui ont renoncé au bénéfice de division ne peuvent pas s’en prévaloir.
Reste à vivre de la caution en cas de poursuites (CC : art. 2307 [nouveau])
La protection prévue à l’ancien article 2301 du Code civil est conservée. Ainsi, l'action du créancier ne peut avoir pour effet de priver la caution personne physique du minimum de ressources réservé à un débiteur surendetté bénéficiant d’un plan de redressement (C. conso : L.731-2).
Effets du cautionnement entre le débiteur et la caution
(CC : art. 2308 à 2311 [nouveaux])
La caution qui a payé tout ou partie de la dette dispose d’un recours personnel contre le débiteur pour :
- les sommes qu'elle a payées ;
- les intérêts, qui courent de plein droit à compter du jour du paiement ;
- les frais postérieurs à la dénonciation, faite par la caution au débiteur, des poursuites dirigées contre elle ;
- l’indemnisation de l’éventuel préjudice subi, indépendant du retard dans le paiement des sommes mentionnées.
La caution qui a payé tout ou partie de la dette est également subrogée dans les droits qu'avait le créancier contre le débiteur, conformément aux dispositions de droit commun relatives à la subrogation personnelle (CC : art. 1346 et suivants).
Lorsqu'il y a plusieurs débiteurs principaux solidaires d'une même dette, la caution dispose d’un recours personnel ou subrogatoire à l’encontre de chacun d'eux.
Lorsque la caution a réglé la dette sans en avertir le débiteur et que ce dernier s’en est également acquitté ou disposait des moyens de la faire déclarer éteinte, aucun recours n’est possible contre le débiteur. La caution peut en revanche agir en restitution contre le créancier.
Auparavant, la perte du droit à recours contre le débiteur était limitée au cas où la caution avait payé la dette sans être poursuivie par le créancier.
Le recours avant paiement dont disposait la caution (CC : ancien art. 2309) est supprimé par l’ordonnance. Ce recours pouvait notamment être utilisé par la caution pour justifier la possibilité de déclarer sa créance à la procédure collective du débiteur principal, alors même qu'elle n'aurait pas encore payé le créancier. Une mesure permettant cette démarche est insérée dans le Code de commerce.
La caution pourra également prendre, avant paiement, une mesure conservatoire, dans les conditions prévues par le Code des procédures civiles d'exécution.
Effets du cautionnement entre les cautions
(CC : art. 2312 [nouveau])
En cas de pluralité de cautions, celle qui a payé le créancier dispose d’un recours personnel et d’un recours subrogatoire contre les autres cautions, chacune pour sa part.
Extinction du cautionnement
(ord. art. 5 / CC : art. 2313 à 2320 [nouveaux])
L'obligation de la caution s'éteint :
- par les mêmes causes que les autres obligations, c'est-à-dire pour une cause qui trouve sa source dans les relations entre le créancier et la caution (par exemple, lorsque le cautionnement est arrivé à son terme ou, pour les cautions à durée indéterminée, dont l’engagement a été résilié) ;
- à la suite de l'extinction de l'obligation garantie (par exemple, lorsque la dette est prescrite ou lorsque le débiteur a soldé la dette).
Le “bénéfice de subrogation” de la caution est repris et modifié par l’ordonnance. Ainsi, lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Toutefois, en rupture avec le droit antérieur et afin de ne pas porter une atteinte excessive aux droits du créancier, la caution ne peut reprocher à ce dernier son choix du mode de réalisation d'une sûreté, c’est-à-dire le mode de recouvrement de la dette choisi par ce dernier (saisie, attribution judiciaire ou pacte commissoire par exemple).
Comme auparavant, dans le cadre d’un cautionnement à durée indéterminée, la caution peut mettre fin à tout moment à son engagement, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable.
Afin de clarifier les conséquences de l'extinction d’un cautionnement sur des dettes futures et de consacrer la position de la jurisprudence, l’ordonnance précise que la caution reste tenue des dettes nées antérieurement à son extinction, sauf clause contraire. Ainsi, les créances nées antérieurement à l'extinction du cautionnement doivent donc être réglées par la caution, même si leur date d'exigibilité est postérieure.
Décès de la caution
(CC : art. 2317 [nouveau])
Les conséquences du décès de la caution pour ses héritiers telles que définies par la jurisprudence (Cass. com : 29.6.82, n°80-14.160) sont intégrées au Code civil. Ainsi, les héritiers de la caution ne sont tenus que des dettes nées avant le décès. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Dissolution de la personne morale débitrice, créancière ou caution
(CC : art. 2318 [nouveau])
En cas de dissolution de la personne morale débitrice ou créancière par l'effet d'une fusion, d'une scission ou de la réunion de toutes les parts de la société entre les mains d'un associé unique (CC : art. 1844-5, al. 3), la caution demeure tenue pour les dettes nées avant que l'opération ne soit devenue opposable aux tiers. Elle ne garantit celles nées postérieurement que si elle y a consenti à l'occasion de cette opération ou, pour les opérations affectant la société créancière, par avance. Cette solution est conforme à la position actuelle de la jurisprudence (Cass. com : 25.10.83, n°82-13.358, Cass. Com : 20.1.87, n°85-14.035).
En cas de dissolution de la personne morale caution pour l'une de ces causes, toutes les obligations issues du cautionnement sont transmises. La dissolution de la caution est donc sans incidence sur le cautionnement. Cette précision permet de lever les incertitudes soulevées par la jurisprudence récente (Cass. Com : 7.1.14, n°12-20.204).
Cautionnement du solde d’un compte courant ou de dépôt
(CC : art. 2319 [nouveau])
Les avances consenties postérieurement au terme du cautionnement par l'établissement de crédit créancier au débiteur ne sont pas couvertes par la caution. En principe, les remises effectuées postérieurement par le débiteur viennent diminuer la dette de la caution, qui s'éteint donc progressivement. Toutefois, le contrat de cautionnement peut comporter une clause en vertu de laquelle les remises postérieures s'imputent prioritairement sur les avances postérieures. Cette situation pose difficulté car elle peut aboutir à ce que l'obligation de règlement se prolonge indéfiniment. Dans la continuité de la jurisprudence (Cass. Com : 5.10.82, n° 81-12.595), l’ordonnance prévoit donc que la caution du solde d'un compte courant ou de dépôt ne peut plus être poursuivie cinq ans après la fin du cautionnement.
Prorogation du terme de l’obligation principale et conséquences sur le cautionnement
(CC : art. 2320 [nouveau])
Comme le prévoient les anciennes dispositions du Code civil, la simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge pas la caution.
Auparavant, la caution pouvait, dans ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement (CC : art. 2316 [ancien]). Cette solution n’est pas reprise par l’ordonnance, qui ouvre à la caution, si le terme initial est échu, la possibilité :
- soit de payer le créancier et se retourner contre le débiteur ;
- soit de solliciter la constitution d'une sûreté judiciaire sur tout bien du débiteur à hauteur des sommes garanties, conformément aux dispositions du livre V du Code des procédures civile d’exécution (CPCE).
Dans cette seconde hypothèse, elle est présumée justifier de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance (condition exigée par l’article L.511-1 du CPCE), sauf preuve contraire apportée par le débiteur.
En principe, l'article R.511-7 du CPCE impose au créancier d'introduire, dans le délai d'un mois à compter de la réalisation de la mesure conservatoire, une procédure pour obtenir un titre exécutoire. La caution étant dans l'impossibilité de respecter cette condition puisque la dette n'est pas exigible, le point de départ du délai est fixé dans cette hypothèse, au jour du paiement du créancier par la caution (CPCE : R.511-7 / décret n° 2021-1888 du 29.12.21 : art. 4).
Des aménagements contractuels différents peuvent être prévus par les parties (le contrat pourrait notamment prévoir l'interdiction pour le créancier d'accorder une prorogation du terme au débiteur principal sans l'accord de la caution).
Sûretés réelles : dispositions générales
(ord. : art. 6 / CC : art. 2323 à 2326)
Pour rappel, les sûretés réelles ont pour objet d'affecter spécialement un ou plusieurs biens (généralement qui appartiennent au débiteur) au paiement de la dette.
L’ordonnance redéfinit les sûretés réelles en procédant à une distinction entre les sûretés préférentielles (privilège, gage…) et les sûretés exclusives (sûretés-propriétés).
La sûreté réelle est désormais définie comme l'affectation d'un bien ou d'un ensemble de biens, présents ou futurs, au paiement préférentiel ou exclusif du créancier (CC : art. 2323).
Les trois sources des sûretés réelles sont formalisées. Elles naissent :
- de la loi ;
- d’un jugement ;
- d’une convention.
La définition des sûretés générales et spéciales est également inscrite dans le Code civil : les premières portent sur la généralité des meubles et des immeubles ou des seuls meubles ou des seuls immeubles ; les secondes ne portent que sur des biens déterminés ou déterminables, meubles ou immeubles (CC : art. 2324).
L’ordonnance consacre la jurisprudence (notamment Cass. Civ I : 4.5.99, n° 97-15.378) admettant que la sûreté réelle conventionnelle peut être constituée par le débiteur ou par un tiers. Lorsque la sûreté est constituée pour autrui, certaines mesures spécifiques s’appliquent. Il est précisé que le créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie. Par ailleurs, les obligations pesant sur le créancier professionnel (le devoir de mise en garde, les obligations d’information et le bénéfice de discussion) et le recours personnel de la caution qui a payé (CC : art. 2325) s’appliquent également (cf. § Créancier professionnel : devoir de mise en garde de la caution et exigence de proportionnalité de l’engagement).
Dorénavant, une sûreté réelle peut être constituée sur les biens d'une personne morale de droit privé en vertu de pouvoirs résultant de délibérations ou délégations établies sous signatures privées alors même que la constitution de la sûreté doit l'être par acte authentique. Cette mesure étend à l'ensemble des personnes morales la règle qui existe déjà pour les sociétés (CC : art. 1844-2 et art. 2326). Cette mesure ouvre la possibilité à d’autres personnes morales que les sociétés, comme les associations, d’inscrire par exemple une hypothèque sur un immeuble leur appartenant.
Sûretés mobilières
(ord. : art. 7 à 11 / CC : art. 517, 2332, 2332-2, 2332-3, 2332-4, art. 2372 à 2374-6 [nouveaux] et CPCE : L.112-3, L.322-14 et L.331-1)
Privilèges mobiliers et privilèges spéciaux
(CC : art. 2332, 2332-2, 2332-3 et 2332-4 [nouveaux])
La liste des créances privilégiées sur certains meubles est modernisée et simplifiée. De nombreuses mentions désuètes ont été supprimées (privilège de l’hôtelier…).
Désormais, il s’agit, outre celles prévues par des lois spéciales, de :
- toutes les sommes dues en exécution d'un bail ou de l'occupation d'un immeuble, sur le mobilier garnissant les lieux et appartenant au débiteur, y compris, le cas échéant, le mobilier d'exploitation et la récolte de l'année ;
- les frais de conservation d'un meuble, sur celui-ci ;
- le prix de vente d'un meuble, sur celui-ci ;
- les créances nées du contrat de travail de l'auxiliaire salarié d'un travailleur à domicile sur les sommes dues à ce travailleur par les donneurs d'ouvrage (CC : art. 2332).
En principe, les privilèges généraux s'exercent dans l'ordre de l'article 2331 du Code civil, à l'exception du privilège du Trésor public, dont le rang est déterminé par les lois qui le concernent, et du privilège des caisses de sécurité sociale, qui vient au même rang que le privilège des salariés. Pour mémoire, la priorité est donnée aux frais de justice, ensuite les frais funéraires… Cette règle est complétée en ce que désormais, les créanciers privilégiés qui sont dans le même rang sont payés par concurrence (CC : art. 2332-2).
L’ordre dans lequel s’exercent les privilèges spéciaux du bailleur d'immeuble, du conservateur et du vendeur de meuble est modifié pour prendre en compte la suppression du privilège de l’hôtelier.
Le nouvel article 2332-4 introduit le droit de préférence du gagiste dans le classement. Il s'exerce au même rang que le privilège dont bénéficie le bailleur d'immeuble, consacrant la jurisprudence (Cass. Com. : 14.2.77, n° 75-13.907), c’est-à-dire au deuxième rang s'il ignorait l'existence des autres privilèges ou au cinquième rang s'il en avait connaissance.
Gage de meubles corporels
(CC : art. 517 et CPCE : L.112-3, L.322-14 et L.331-1)
Le gage est une convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs. Il ne pouvait pas porter sur un immeuble par destination, c’est-à-dire un bien meuble rattaché à l'immeuble de manière fixe et dont la séparation de l'immeuble nécessite un descellement des lieux (CC : art. 517).
L’ordonnance introduit le gage portant sur un immeuble par destination (comme des panneaux solaires ou des transformateurs). Les articles L.112-3, L.322-14 et L.331-1 du Code des procédures civiles d’exécution sont donc modifiés pour intégrer cette extension.
En cas de conflit entre le créancier hypothécaire et le créancier gagiste, l’ordre de préférence, dans la mesure où leur gage porte sur des biens réputés immeubles, est déterminé par les dates auxquelles les titres respectifs ont été publiés, nonobstant le droit de rétention des créanciers gagistes (CC : art. 2334 [nouveau]).
Le régime de la nullité du gage constitué sur la chose d'autrui est précisé : seul le créancier de bonne foi peut invoquer cette nullité, et non les tiers (CC : art. 2335).
La possibilité de constituer un gage par prise de possession d'un titre représentatif est restaurée, après avoir été abrogée en 2006 (CC : art. 2337).
Par un renvoi plus large au Code des procédures civiles d’exécution, la situation du créancier gagiste est clarifiée : s’il est déjà titulaire d'un titre exécutoire, il peut intenter immédiatement la saisie sans avoir à passer par le juge. De plus, la procédure simplifiée de réalisation aujourd'hui prévue pour le gage commercial est étendue à tous les gages constitués en garantie d'une dette professionnelle (CC : art. 2346).
Le décret (n° 2021-1888) du 29 décembre 2021 tire les conséquences de l’extension de l’objet du gage aux immeubles par destination. En effet, désormais, dans le mois suivant la publication du titre de vente, le créancier poursuivant, ou à défaut le créancier le plus diligent ou le débiteur, devra faire sommation aux créanciers titulaires d'une sûreté publiée sur un immeuble par destination d'avoir à déclarer leur créance. Cette sommation devra contenir à peine de nullité :
- la copie du commandement de payer valant saisie immobilière ;
- la sommation d'avoir à déclarer les créances inscrites sur le bien saisi, en principal, frais et intérêts échus, avec l'indication du taux des intérêts moratoires, par acte d'avocat déposé au greffe du juge de l'exécution et accompagné du bordereau d'inscription et à dénoncer le même jour ou le premier jour ouvrable suivant cette déclaration au créancier poursuivant et au débiteur, dans les mêmes formes ou par signification ;
- la reproduction, en caractères très apparents, des articles L.331-2 et R.331-5 (CPCE : R.331-4 [nouveau]).
Le délai dans lequel le créancier titulaire d'une sûreté publiée sur l'immeuble par destination doit déclarer sa créance est de deux mois à compter de la sommation qui lui a été faite.
La déclaration est faite par acte d'avocat déposé au greffe du juge de l'exécution et dénoncée le même jour ou le premier jour ouvrable suivant cette déclaration au créancier poursuivant et au débiteur, dans les mêmes formes ou par signification.
Elle contient, à peine de nullité :
- le montant des créances inscrites sur le bien saisi, en principal, frais et intérêts échus, avec l'indication du taux des intérêts moratoires ;
- la copie du contrat constitutif de la sûreté, ainsi que toute précision utile permettant l'identification des biens sur lequel elle porte ;
- la copie du bordereau d'inscription ;
- la copie du titre exécutoire constatant la créance, le cas échéant (CPCE : R.331-5 [nouveau]).
Propriété retenue ou cédée à titre de garantie
(ord. art : 10 et 11 / CC : art. 2372 à 2374-6 [nouveaux])
Pour mémoire, la propriété d'un bien peut être retenue en garantie en conséquence d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie.
Le régime de cette garantie est précisé.
Tout d’abord, le sous-acquéreur ou l'assureur peut désormais opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette, ainsi que les exceptions nées de ses rapports avec le débiteur avant qu'il ait eu connaissance du report, mettant un terme à la jurisprudence antérieure interdisant cette possibilité (Cass. Com : 5.6.07, n° 05-21.349 / CC : art. 2372).
Ensuite, trois nouvelles sous-sections sont créées.
Sûretés réelles mobilières : autres mesures
(ord. : art. 8 et 11 / CC : art. 2341, 2342 et 2342-1 [nouveau], et 2373 à 2374-6)
Modifications relatives au gage
En matière de gage avec dépossession de choses fongibles (c’est-à-dire des choses qui sont interchangeables et nécessitent une opération de mesure), l’ordonnance ouvre aux parties la faculté d'autoriser le constituant à aliéner les choses gagées à charge de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes (CC : art. 2341). Une banque pourrait ainsi vendre des marchandises objets d’un gage, à condition de les remplacer par des choses équivalentes de même quantité.
Concernant le gage sans dépossession de choses fongibles, la faculté d'aliéner les biens fongibles ne requiert plus de clause en ce sens pour exister. Désormais, elle est le principe, qui peut être écarté par une clause contraire (CC : art. 2342).
S’agissant du gage tournant portant sur les choses fongibles, il est désormais prévu que lorsque le constituant a la faculté d'aliéner les biens gagés, les biens acquis en remplacement sont de plein droit compris dans l'assiette du gage, solution s’inspirant du gage de stocks (CC : art. 2342-1 [nouveau]. Pour mémoire, le gage tournant est un gage assorti d'une clause de substitution qui permet de substituer aux marchandises initialement gagées de nouvelles marchandises de nature et de qualité différentes, mais de valeur égale.
Modifications relatives à la cession de créance à titre de garantie
Le principe de la cession de créance à titre de garantie est affirmé, cette dernière étant soumise au droit commun de la cession de créance (cf. CC : art. 1321 à 1326). Cette disposition écarte la jurisprudence qui refusait d’y reconnaître une sûreté (Cass. Com : 19.12.06, n° 05-16.395 / CC : art. 2373).
La cession de créance à titre de garantie doit respecter le principe de spécialité, quant à l'assiette de la sûreté (créances cédées) et quant aux créances garanties (CC : art. 2373-1).
Si la créance garantie est déjà échue, les sommes s'imputent alors sur celle-ci tandis que si la créance garantie n'est pas échue, le créancier cessionnaire conserve les sommes versées par le cédé conformément aux règles relatives à la cession de somme d'argent à titre de garantie (CC : art. 2373-2).
Lorsque la créance garantie est intégralement payée avant que la créance cédée ne le soit, le cédant recouvre de plein droit la propriété de celle-ci (CC : art. 2373-3).
Modifications relatives à la cession de sommes d’argent à titre de garantie
Un fondement juridique est apporté à la figure du “gage-espèces”, utilisée notamment en matière de baux commerciaux. Il est défini comme la propriété d'une somme d'argent, soit en euro soit en une autre monnaie, qui peut être cédée à titre de garantie d'une ou plusieurs créances, présentes ou futures (CC : art. 2374).
Un écrit est exigé à titre de validité de la sûreté. Le texte précise également les mentions devant figurer dans l'écrit (la désignation des créances garanties ; si elles sont futures, l'acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l'indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et, s'il y a lieu, leur échéance (CC : art. 2374-1).
Le gage-espèce est opposable aux tiers par la remise de la somme d'argent, sans formalité supplémentaire (CC : art. 2374-2).
Le cessionnaire dispose librement de la somme cédée, sauf convention contraire qui en précise l'affectation (CC : art. 2374-3).
S’agissant des fruits et intérêts produits par la somme cédée, deux situations sont possibles :
- si le cessionnaire n'a pas la libre disposition de la somme cédée, il est prévu à titre de règle supplétive que les fruits et intérêts de cette somme accroissent l'assiette de la garantie ;
- si le cessionnaire a la libre disposition de la somme cédée, les parties peuvent prévoir un intérêt (CC : art. 2374-4).
En cas de défaillance du débiteur, le cessionnaire peut imputer le montant de la somme cédée, augmentée s'il y a lieu des fruits et intérêts, sur la créance garantie. Le cas échéant, il restitue l'excédent au cédant (CC : art. 2374-5).
Lorsque la créance garantie est intégralement payée, le cessionnaire restitue au cédant la somme cédée, augmentée s'il y a lieu des fruits et intérêts (CC : art. 2374-6).
Fiducie à titre de garantie
Pour mémoire, la propriété d’un bien ou d’un droit peut être cédée à titre de garantie d’une obligation par un contrat de fiducie, pour les biens mobiliers (CC : art. 2372-à 2372-5) ou immobiliers (art. 2488-1 à 2488-5).
À présent, les dettes garanties peuvent être présentes ou futures. Dans ce dernier cas, elles doivent être déterminables. Cette règle s’aligne sur celles prévues pour les autres sûretés réelles (CC : art. 2372-1).
L'exigence d'évaluation du bien ou du droit transféré dès lors qu'elle n'est prévue pour aucune autre sûreté est supprimée. Les parties pourront toujours recourir à une telle évaluation si elles le souhaitent (CC : art. 2372-2).
Par ailleurs, une vente des biens donnés en fiducie est dorénavant possible à un prix différent de celui fixé par l'expert, mais seulement si une vente à ce prix n'aurait pas été possible, ce qui devra être justifié par le fiduciaire. Il pourra alors vendre au prix qu'il estime correspondre à la valeur du bien, et ce sous sa responsabilité, afin de protéger les intérêts du débiteur et du créancier (CC : art. 2372-3).
Hypothèques et autres sûretés immobilières
Transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales spéciales
(CC : art. 2374 à 2378)
Pour mémoire, les privilèges immobiliers spéciaux confèrent au créancier un droit de suite et un droit de préférence. Le droit de préférence assure au créancier un droit de priorité lui permettant d'être payé par préférence aux autres sur le prix de vente de l'immeuble donné en garantie.
Dans le prolongement du droit de préférence, le droit de suite permet au créancier de bénéficier du droit de saisir ultérieurement l'immeuble entre les mains du tiers acquéreur afin d'exercer son droit de préférence sur le prix résultant de la vente forcée (CC : art. 2461). Il ne peut être exercé que par les créanciers ayant fait inscrire leur sûreté, ce qui exclut les titulaires de privilèges généraux dispensés de la formalité d'inscription au fichier immobilier.
Le Code civil énumère les neuf privilèges immobiliers spéciaux que sont (CC : art. 2374) :
- le privilège du vendeur d'immeuble ;
- le privilège du prêteur de deniers pour l'acquisition d'un immeuble ;
- le privilège du syndicat des copropriétaires ;
- le privilège du copartageant ;
- le privilège des architectes et entrepreneurs ;
- le privilège du prêteur de deniers pour le paiement des architectes et entrepreneurs ;
- le privilège de la séparation des patrimoines ;
- le privilège des accédants à la propriété titulaires d'un contrat de location-accession ;
- le privilège de l’État ou de la commune.
Le créancier devait, comme pour les hypothèques légales, faire inscrire son privilège au fichier immobilier.
La seule différence entre le privilège immobilier spécial et l’hypothèque était la rétroactivité de leur prise de rang. En effet, si l’inscription était prise dans le délai légal de deux mois, le privilège immobilier spécial prenait rang, de façon rétroactive, au jour de la naissance de la créance garantie, contrairement à l’hypothèque qui ne prend rang qu’au jour de son inscription. Les privilèges immobiliers spéciaux primaient ainsi sur les hypothèques.
La réforme des sûretés poursuit un objectif de sécurité juridique, de simplification et d’unification des sûretés immobilières. Pour répondre à cet objectif, l’ordonnance prévoit que les privilèges immobiliers sont tous généraux et dispensés d’inscription. Les privilèges immobiliers spéciaux étant supprimés, les privilèges immobiliers généraux du Code civil sont (CC : art. 2377) :
- les frais de justice ;
- le salaire ;
- les créances du conjoint survivant ;
- l’indemnité de fin d’emploi et l’indemnité de précarité d’emploi ;
- les indemnités dues pour les congés payés ;
- les indemnités dues aux salariés (licenciement, rupture anticipée du contrat de travail etc.).
Les privilèges immobiliers spéciaux soumis à publicité sont transformés en hypothèque légale. L’intérêt de la mesure est de supprimer la rétroactivité dont bénéficient les privilèges immobiliers spéciaux (CC : 2401 à 2407 [nouveau]). Désormais, toutes les sûretés immobilières prennent rang à la date de leur inscription. Cette suppression facilite en outre l’anticipation des autres créanciers sur la priorité de leur propre créance.
Il est précisé que les privilèges immobiliers donnent le droit d'être préféré aux autres créanciers, mais qu’ils ne confèrent pas de droit de suite (CC : art. 2376).
Du fait de la transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales, le sous-titre dédié passe de huit à quatre chapitres consacrés aux privilèges immobiliers, au gage immobilier, aux hypothèques et à la propriété-sûreté.
Par ailleurs, les privilèges généraux priment sur le droit de préférence attaché au gage immobilier et à l’hypothèque (CC : art. 2378).
La transformation des privilèges spéciaux immobiliers en hypothèques légales ne s’appliquera que pour l’avenir. Afin de ne pas remettre en cause les prévisions des parties, les privilèges inscrits au fichier immobilier antérieurement à la date d’entrée en vigueur de l'ordonnance conservent leur rang et effets relatifs à la rétroactivité de celui-ci, en application du principe de survie de la loi ancienne. De même, les privilèges qui n’ont pas fait l’objet des formalités de publicité foncière à la date d’entrée en vigueur de l’ordonnance seront inscrits au fichier immobilier selon les dispositions applicables avant cette date (Ord. art. 37 IV).
Gage immobilier
(CC : art. 2387 à 2392 [anciens], 2379 à 2384 [nouveaux])
L’ordonnance modifie la numérotation des articles relatifs au gage immobilier.
Hypothèques
(Ord. : art. 15 à 24 / CC : art. 2385 à 2407)
L'article 15 de l’ordonnance réorganise le chapitre 3 du Code civil relatif aux hypothèques, qui comprend désormais huit sections.
Étendue de la couverture hypothécaire
(ord. art. 16 / CC : art. 2385 à 2391)
L’ordonnance reformule les règles existantes en matière d’hypothèque (CC : 2385 à 2391).
L’étendue de la couverture hypothécaire en cas de subrogation personnelle a été clarifiée. En effet, le Code civil était silencieux sur la question de savoir si les accessoires étaient couverts ou non par l’hypothèque. Par exemple, dans le cas des prêts substitutifs, les intérêts étaient couverts (CC : art. 1346-4), mais la question était soulevée pour les autres accessoires, tels que les frais de poursuite, les pénalités de remboursement anticipé les dommages et intérêts. Il est désormais précisé que tous les accessoires sont garantis par l'inscription initiale (CC: art. 2390). Cette mesure concerne l’ensemble des hypothèques.
En outre, l’ordonnance explicite la règle de l’indivisibilité de l’hypothèque (CC : art. 2393 [ancien] / art. 2391 nouveau]). Elle ajoute en effet que l'hypothèque est indivisible :
- malgré la division de la dette ; cela signifie que le propriétaire de l’immeuble hypothéqué est tenu pour le tout, et que chacun des créanciers a l’entier immeuble pour sûreté ;
- malgré la division de l’immeuble ou la pluralité d’immeubles ; ainsi, chaque partie de l'immeuble divisé, chacun des immeubles est affecté à la sûreté de la totalité de la dette. Cela signifie que lorsque plusieurs immeubles sont hypothéqués pour une même dette, chacun des immeubles répond de la dette pour le tout. Le créancier peut alors choisir auprès de quel immeuble il obtiendra le paiement de sa créance.
Les hypothèques légales générales et spéciales
(ord. : art. 17 / CC : art. 2392 à 2400, 2402 à 2407 / loi du 10.7.65 : art. 19-1)
Pour tenir compte de la transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales spéciales, deux sous-sections distinguent désormais les hypothèques légales générales et les hypothèques légales spéciales.
Les hypothèques légales générales
La liste des hypothèques légales générales a été reprise (CC : art. 2240 [ancien] / art. 2393 [nouveau]), à l’exception des frais de dernière maladie et de fourniture des subsistances faites au débiteur et à sa famille pendant la dernière année qui ont été supprimés.
Les hypothèques légales générales sont donc celles (CC : art. 2393 [nouveau]) :
- de l'un des époux contre l'autre ;
- des mineurs ou des majeurs en tutelle contre l'administrateur légal ou le tuteur ;
- de l'État, des départements, des communes et des établissements publics contre les receveurs et administrateurs comptables ;
- du légataire, sur les biens immeubles de la succession, en vertu de l'article 1017 ;
- des frais funéraires ;
- ayant fait l'objet d'un jugement, contre le débiteur condamné ;
- du Trésor public, dans les conditions fixées par le Code général des impôts ;
- des caisses de sécurité sociale, dans les conditions fixées par le code de la sécurité sociale.
Hypothèque légale des époux
L’ordonnance conserve l’hypothèque légale entre époux mariés sous le régime conventionnel de la participation aux acquêts (CC : 2394 à 2397 [nouveaux]). Mais elle supprime les autres hypothèques légales entre époux, à savoir l’inscription d’une hypothèque légale par l’intervention de la justice pour faire constater une créance contre son conjoint, ainsi que la demande de se voir transférer l’administration de certains biens (CC : art. 2403 et 2404 [anciens]). Le rapport au président de la république souligne en effet qu’elles n’étaient utilisées aujourd'hui que de manière très résiduelle.
Hypothèque légale des mineurs ou des majeurs sous tutelle
Pour mémoire, la loi du 5 mars 2007 avait supprimé une partie des textes concernant l’hypothèque légale de mineurs sous tutelle. Une incertitude était alors née sur le fait de savoir si elle était maintenue pour le mineur sous tutelle.
L’ordonnance met fin à cette incertitude en réaffirmant que l’hypothèque légale existe pour protéger le mineur (CC : 2398 à 2400 [nouveaux]).
Hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation
Une clarification a été apportée. L’expression “hypothèque judiciaire” a été remplacée par la formule d’hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation. En effet, cette hypothèque n’est pas une véritable hypothèque judiciaire, puisque c’est la loi et non un jugement qui en octroyait le bénéfice au titulaire du jugement de condamnation. La nouvelle terminologie évite en outre une confusion avec l’hypothèque judiciaire conservatoire (CC : art. 2412 [ancien]).
Les hypothèques légales spéciales
Les privilèges spéciaux immobiliers ont été transformés en hypothèques légales spéciales (CC : art. 2374 et 2402 [nouveaux]).
L’ordonnance a supprimé de la liste le privilège des architectes et entrepreneurs, rarement utilisé, ainsi que le privilège de prêteur de deniers ayant servi à payer les architectes et les entrepreneurs.
Ainsi, les créances auxquelles sont attachées une hypothèque légale spéciale sont désormais celles :
- du vendeur d'immeuble ;
- du prêteur de deniers pour l'acquisition d'un immeuble ;
- du syndicat des copropriétaires ;
- du copartageant ;
- de la séparation des patrimoines ;
- des accédants à la propriété titulaires d'un contrat de location-accession ;
- de l’État ou de la commune.
Le décret (n° 2021-1889) du 29 décembre 2021 modifie différents codes, notamment le CCH, pour tenir compte de la transformation des privilèges spéciaux immobiliers en hypothèques légales spéciales.
Les hypothèques judiciaires
(ord. : art. 18 / CC : art. 2408)
L'existence des hypothèques judiciaires conservatoires régies par le Code des procédures civiles d’exécution est désormais précisée dans le Code civil (CPCE : L.511-1 et s).
Les hypothèques conventionnelles sur les biens futurs
(ord. : art. 19 / CC : 2409 à 2417 [nouveaux])
Auparavant, la prohibition des hypothèques sur les biens futurs comportait de nombreuses exceptions, à savoir (CC : art. 2420) :
- si les biens présents et libres sont insuffisants pour la sûreté de la créance, le débiteur pouvait, en reconnaissant cette insuffisance, consentir que chacun des biens qu'il acquerra par la suite y soit spécialement affecté au fur et à mesure des acquisitions ;
- si l'immeuble ou les immeubles présents, assujettis à l'hypothèque avaient péri ou éprouvé des dégradations telles que la garantie du créancier soit insuffisante, celui-ci pouvait, soit poursuivre immédiatement son remboursement, soit obtenir un supplément d'hypothèque, sur les biens à venir ;
- lorsqu’une personne possédait un droit actuel lui permettant de construire à son profit sur le fonds d'autrui, elle pouvait hypothéquer les bâtiments dont la construction était commencée ou simplement projetée ; en cas de destruction de ceux-ci, l'hypothèque était reportée de plein droit sur les nouvelles constructions édifiées au même emplacement.
L’interdiction apparaissait obsolète par rapport au régime de droit commun et autres sûretés réelles, qui peuvent porter sur des biens futurs.
L’ordonnance renverse le principe de prohibition des hypothèques de biens à venir (CC : art. 2414 [nouveau]). L’exception devient le principe et l’hypothèque conventionnelle peut désormais être consentie sur des immeubles futurs.
Il est précisé que l’hypothèque ne pourra être publiée que lorsque le constituant sera devenu propriétaire du bien.
Classement des hypothèques
(ord. : art. 20 / CC : 2418 à 2420 [nouveaux])
L'ordonnance reprend le principe suivant lequel les hypothèques doivent être inscrites au fichier immobilier, et prennent rang à la date de cette inscription.
Primauté de l’hypothèque spéciale du syndicat des copropriétaires
Il est à noter que le syndicat des copropriétaires ne dispose plus de son privilège immobilier spécial, puisque les privilèges immobiliers spéciaux ont été transformés en hypothèques légales. Ce super privilège permettait au syndicat des copropriétaires d’obtenir le règlement de créances de toute nature en priorité lors de la vente amiable ou judiciaire du ou des lots de copropriété du copropriétaire débiteur (loi du 10.7.65 : art. 19-1).
Contrairement à l’hypothèque légale, l’inscription de ce privilège n’était soumise à aucune formalité de publicité foncière. Le privilège était acté en cas d’opposition formée par le syndic.
Malgré sa transformation en hypothèque légale spéciale, le super privilège du syndicat des copropriétaires semble conserver ses effets avec la réforme, conformément à ce qui avait été annoncé (Rép. Min n° 23198 : JO AN du 12.11.19). L’ordonnance a ainsi prévu une exception et précisé que l’hypothèque spéciale du syndicat des copropriétaires est dispensée d’inscription et prime toutes les autres hypothèques pour l’année courante et pour les deux dernières années échues (Ord. art. 20 / CC : art. 2418).
Conflit entre sûreté mobilière et hypothèque
Par ailleurs, l’ordonnance reprend et généralise la règle sur le conflit entre titulaire d’une sûreté mobilière sur un meuble immobilisé par destination et titulaire d’une hypothèque sur cet immeuble (CC : art. 2425 [ancien]), en intégrant que désormais, cette sûreté peut porter sur un immeuble par destination (CC : art. 2334 [nouveau]).
Pour mémoire, les créanciers gagistes possèdent un droit de rétention, qui est le droit de retenir une chose appartenant à son débiteur tant qu’il n’a pas été payé. Il est précisé que l'ordre de préférence entre les créanciers hypothécaires et les créanciers gagistes est déterminé par les dates auxquelles les titres respectifs ont été publiés, nonobstant le droit de rétention des créanciers gagistes (CC : art. 2419).
Hypothèque rechargeable
L'hypothèque rechargeable, qui est constituée à des fins professionnelles, permet au constituant d’offrir la même hypothèque en garantie de nouvelles créances (CC : art. 2422).
Il s’agit d’une hypothèque conventionnelle. L’ordonnance précise les règles de classement en présence d'une hypothèque rechargeable. Ainsi, les créanciers bénéficiaires d'une convention de rechargement prennent rang à la date de l'inscription initiale. Lorsqu’ils sont bénéficiaires d’une même hypothèque rechargeable, les créanciers bénéficiaires sont classés en fonction de la date de leur inscription.
Auparavant, seules les hypothèques légales du trésor et de la sécurité sociale primaient sur les conventions de rechargement ultérieures. L'ordonnance généralise la primauté à toutes les hypothèques légales ou judiciaires. Désormais, l'inscription d'une hypothèque légale ou judiciaire prime les conventions de rechargement ultérieures (CC : art. 2420).
Enfin, les textes relatifs à l’inscription des hypothèques ont été renumérotés.
Effets des hypothèques
Droit de préférence et droit de suite
(ord. : art. 22 / CC : art. 2450 à 2460 [nouveaux])
Droit de préférence
Dans la continuité du droit antérieur, le créancier hypothécaire impayé peut poursuivre la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par le Code des procédures civiles d'exécution (CC : art. 2450 nouveau). La convention d'hypothèque ne peut pas y déroger.
Il est payé sur le prix de vente :
- par préférence aux créanciers chirographaires (créanciers simples, ne disposant d’aucune garantie particulière) ;
- au rang qui lui est assigné (dans les conditions prévues aux articles 2418 à 2420 nouveaux du Code civil, cf. § Classement et renumérotation de l’inscription des hypothèques) s'il est en concurrence avec d'autres créanciers hypothécaires.
Le créancier hypothécaire peut également demander en justice le droit de se faire attribuer l'immeuble hypothéqué, s'il ne constitue pas la résidence principale du débiteur (CC : art. 2451 nouveau).
Droit de suite
Les dispositions relatives au droit de suite du créancier sont modernisées par l’ordonnance.
La notion de “tiers détenteur” est remplacée par celle de “tiers acquéreur”.
En cas d'aliénation de l'immeuble, l'hypothèque le suit entre les mains du tiers acquéreur.
Le tiers acquéreur est ainsi obligé, dans la limite des inscriptions, à toute la dette garantie, en capital et intérêts, quel qu'en soit le montant.
S'il reste impayé, le créancier hypothécaire peut poursuivre en justice la vente de l'immeuble hypothéqué dans les conditions prévues par le Code des procédures civiles d'exécution (CC : art. 2454 nouveau).
Dans ce cadre, le tiers acquéreur bénéficie toutefois du bénéfice de discussion (CC : art. 2455 nouveau).
Ainsi, si le débiteur principal détient d'autres immeubles hypothéqués à la même dette, le tiers acquéreur qui n'est pas personnellement obligé à la dette peut s'opposer à la vente de l'immeuble et en requérir la discussion préalable (dans les conditions de forme prévue par le chapitre Ier du titre Ier du livre IV du Code civil). Pendant cette discussion, il est sursis à la vente de l'immeuble hypothéqué.
Le tiers acquéreur peut également, comme le pourrait une caution (cf. §. Exceptions opposables par la caution), opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal. Cette nouvelle mesure vient à l’encontre de la jurisprudence antérieure (Cass. Civ II : 19.2.15, n°13-27.691).
Une fois sommé de payer et, sauf le bénéfice de discussion, le tiers acquéreur peut soit (CC : art. 2456 nouveau) :
- payer ;
- purger l'immeuble (cf. §. Purge des hypothèques) ;
- se laisser saisir.
Auparavant, le tiers détenteur bénéficiait également de la possibilité de délaisser l’immeuble (CC : art. 2467 ancien), c’est-à-dire d’abandonner la possession de l’immeuble afin d’éviter la procédure à son encontre. Ce droit de délaissement n’est pas repris par les dispositions issues de l’ordonnance.
Dans la continuité du droit antérieur, les conséquences de l’exercice du droit de suite pour le tiers acquéreur sont précisées.
Si la valeur de l'immeuble est diminuée par son fait ou par sa faute, le tiers acquéreur est tenu d’indemniser le créancier hypothécaire du préjudice résultant de ces dégradations. En revanche, s’il a engagé des dépenses nécessaires à la conservation de l'immeuble ou qui ont augmenté sa valeur, il peut en obtenir remboursement par prélèvement sur le prix de vente, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution (CC : art. 2457 nouveau).
Si le prix de vente excède la dette hypothécaire, la différence appartient au tiers acquéreur, sauf les droits de ses créanciers inscrits sur l'immeuble (CC : art. 2458 nouveau).
Après la vente, le tiers acquéreur retrouve les droits réels, notamment les servitudes, qu'il avait sur l'immeuble avant qu'il ne l'acquière (CC : art. 2459 nouveau).
Lorsqu’il a réglé la dette hypothécaire ou subi la saisie de l'immeuble hypothéqué, le tiers acquéreur bénéficie d’un recours en garantie et un recours subrogatoire contre le débiteur principal (CC : art. 2460 nouveau).
Purge des hypothèques
(ord. : art 23 / CC : art. 2461 à 2472 et CPCE : L.322-14)
Champ d’application de la purge
Pour rappel, la purge est un moyen ouvert à l'acquéreur d'un immeuble de l'affranchir des hypothèques qui le grèvent, en offrant aux créanciers hypothécaires son prix d'acquisition ou la valeur estimative de l'immeuble.
Les hypothèses dans lesquelles la purge de plein droit des hypothèques intervient sont listées, de manière non exhaustive. Il s’agit notamment :
- de la vente sur saisie immobilière ;
- de l’expropriation pour cause d'utilité publique ;
- des situations prévues par le droit des entreprises en difficultés ;
- du droit du surendettement (CC : art. 2461).
Mise en oeuvre
Ainsi, à défaut de l'accord de tous les créanciers inscrits avec le débiteur pour que le prix de la vente d'un immeuble hypothéqué sera affecté au paiement total ou partiel de leurs créances ou de certaines d'entre elles, le tiers acquéreur peut, une fois la vente publiée, purger l'immeuble du droit de suite attaché à l'hypothèque.
Il doit, soit avant les poursuites, soit dans le mois de la première sommation de payer qui lui est faite, notifier aux créanciers inscrits un acte où il dit être prêt à acquitter sur-le-champ les dettes hypothécaires, exigibles ou non exigibles, mais jusqu'à concurrence du prix stipulé dans l'acte d'acquisition ou, s'il a reçu l'immeuble par donation, de la valeur qu'il déclare (CC : art. 2464). Le tiers acquéreur fait procéder à cette notification par acte d'huissier de justice, aux domiciles élus par les créanciers dans leurs inscriptions. Il annexe à l'acte :
- un extrait de son titre, contenant la date et la nature de l'acte, l'identité du vendeur ou du donateur, la nature et la situation de l'immeuble vendu ou donné, le prix de la vente, ou, s'il y eu donation, l'évaluation de l'immeuble ;
- un extrait de la publication de l'acte de vente ou de l'acte de donation ;
- un état hypothécaire sommaire sur formalités faisant apparaître les charges réelles qui grèvent l'immeuble ;
- un état des inscriptions figurant sur le fichier national des gages sans dépossession du chef du débiteur saisi..
L'acte est notifié aux créanciers (CPC : art. 1281-13).
Tout créancier inscrit peut, dans les 40 jours suivant la notification qui lui a été faite, requérir la vente de l'immeuble aux enchères publiques, pourvu qu'il surenchérisse d'un dixième sur le prix stipulé ou sur la valeur déclarée, et qu'il fournisse caution à due concurrence (CC : art. 2465). Le créancier qui poursuit la vente aux enchères de l'immeuble notifie l'acte de réquisition par acte d'huissier de justice au débiteur principal, au tiers acquéreur ainsi qu'aux autres créanciers titulaires d'une inscription sur l'immeuble. Cet acte contient, à peine de nullité, la constitution de l'avocat du requérant, la surenchère et l'offre de caution (CPC : art. 1281-14).
Le créancier poursuivant établit un cahier des conditions de vente, qui est déposé au greffe du tribunal judiciaire chargé de la vente. Il contient :
- l'énonciation de l'ordonnance qui a fixé la date de la vente avec la mention de sa publication ;
- la désignation de l'immeuble à vendre, l'origine de propriété, les servitudes grevant l'immeuble, les baux consentis sur celui-ci et le procès-verbal de description ;
- la mention de la mise à prix, des conditions de la vente et des modalités de paiement du prix (CPC : art. 1281-17-1 [nouveau]).
Lorsqu'un créancier titulaire d'une sûreté publiée sur un immeuble par destination forme surenchère, la vente est faite par un officier ministériel habilité par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels et, dans les cas prévus par la loi, par des courtiers de marchandises assermentés.
Faute d'enchérisseur, ce créancier est déclaré adjudicataire pour le montant de la mise à prix.
Le versement du prix ou sa consignation et le paiement des frais de la vente purgent de plein droit l'immeuble par destination de toute sûreté.
La distribution du prix est réalisée dans les conditions des articles L.331-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution (CPC : art. 1281-20 [nouveau]).
Le créancier requérant ne peut par son désistement, et même s'il offre de payer la surenchère, empêcher l'adjudication publique, sauf si tous les autres créanciers inscrits y consentent (CC : art. 2466).
Si aucun créancier ne requiert la mise aux enchères dans le délai et les formes prescrites, la valeur de l'immeuble est définitivement fixée au prix stipulé ou à la valeur déclarée.
L'immeuble est, en conséquence, libéré de toute hypothèque par le paiement de cette somme aux créanciers inscrits, ou par sa consignation (CC : art. 2467).
La vente aux enchères, s'il y a lieu, se fait selon les formes établies par le Code de procédure civile, à la diligence soit du créancier qui l'a requise, soit du tiers acquéreur (CC : art. 2468).
L'adjudicataire est tenu, au-delà du prix de son adjudication, de restituer au tiers acquéreur les coûts de son contrat, y compris de sa publication, ainsi que ceux de la notification et tous les autres frais exposés en vue de la purge (CC : art. 2469).
Le tiers acquéreur qui se rend adjudicataire, et conserve ainsi la propriété de l'immeuble, n'est pas tenu de faire publier le jugement d'adjudication.
Il dispose d'un recours contre son vendeur pour le remboursement de ce qui excède le prix stipulé et pour l'intérêt de cet excédent à compter du jour de son paiement (CC : art. 2470).
Dans le cas où le tiers acquéreur aurait acquis par le même acte, pour un prix global ou à des prix distincts, des immeubles et des meubles, ou plusieurs immeubles, dont certains seuls sont hypothéqués, et qui forment ou non une même exploitation, le prix de chaque immeuble frappé d'inscription sera déclaré dans la notification prévue par l'article 2464, par ventilation, s'il y a lieu, du prix global.
Le créancier surenchérisseur ne peut, en aucun cas, être contraint d'étendre sa soumission au mobilier ou à d'autres immeubles que ceux qui sont hypothéqués à sa créance ; sauf le recours du tiers acquéreur contre ses auteurs, pour l'indemnité du dommage qu'il éprouverait, soit de la division des objets de son acquisition, soit de celle des exploitations (CC : art. 2471).
Cas particulier de l’immeuble par destination
Un immeuble par destination pouvant désormais faire l’objet d’un gage, une nouveauté a été introduite par l’ordonnance. Dans le cas d'une aliénation d'un immeuble incluant un immeuble par destination gagé, la purge amiable peut concerner le créancier gagiste. Le créancier gagiste est par ailleurs intégré à la procédure de purge judiciaire : le créancier gagiste doit être informé et peut former surenchère si le prix est insuffisant. En l'absence de surenchère, l'immeuble est purgé du gage (CC : art. 2472).
L’article L.322-14 du Code des procédures civiles d’exécution est modifié pour tenir compte de l’extension du champ de la purge des inscriptions en cas de saisie immobilière aux immeubles par destination.
Transmission et extinction des hypothèques
(ord. : art. 24 / CC : art. 2473 et 2474)
L’article 2424 devient l’article 2473 du Code civil sans que la rédaction ne soit modifiée. Ainsi, l'hypothèque est transmise de plein droit avec la créance garantie. Le créancier hypothécaire peut subroger un autre créancier dans l'hypothèque et conserver sa créance.
Il peut aussi, par une cession d'antériorité, céder son rang d'inscription à un créancier de rang postérieur dont il prend la place (CC : art. 2473).
Les causes d’extinction des hypothèques sont désormais listées de manière non exhaustive. La prescription n’est plus citée dans la liste (CC : art. 2474).
Fiducie-sûretés immobilière
(ord. : art. 25 / CC : art. 2488-1 et 2488-5)
Pour mémoire, la propriété d’un bien ou d’un droit peut être cédée à titre de garantie d’une obligation par un contrat de fiducie, pour les biens mobiliers (CC : art. 2372-à 2372-5) ou immobiliers (art. 2488-1 à 2488-5).
L’ordonnance modifie de la même façon les fiducies-sûretés immobilières et mobilières (cf. § Propriété retenue ou cédée à titre de garantie).
Le formalisme de la fiducie-sûreté et ses modalités de réalisation ont été assouplies.
Comme pour la fiducie sûreté mobilière, l’obligation garantie peut être présente ou future (et dans ce cas, elle doit être déterminable).
De même, la mention relative à la valeur des biens fiduciés a été supprimée. Il n’est désormais plus nécessaire d’estimer la valeur des biens transmis (CC : art. 2488-2).
Enfin, le fiduciaire pourra désormais vendre les biens donnés en fiducie à un prix différent de celui fixé par l'expert si une vente à ce prix n'est pas possible. L'exigence d'expertise est toutefois maintenue afin d'assurer la protection du constituant (CC : art. 2488-3).
Mesures diverses
(ord. : art. 26, 30 et 31 / CCH : L.541-2 et L.541-3 ; CC : art. 1323, 1866 et 1867 ; CPCE : L.211-3 et L.221-5)
Autres modifications du Code civil
(ord. : art. 26 : CPCE : art. L.211-3 et L.221-5)
S’agissant du nantissement de parts de sociétés civiles, il est désormais renvoyé aux règles du droit commun du gage, conduisant à une harmonisation des conditions de constitution, de publicité et d'opposabilité du nantissement portant sur les parts, respectivement, des sociétés civiles, sociétés en nom collectif et sociétés à responsabilité limitée (CC : art. 1866).
La notification du consentement donné au projet de nantissement emporte agrément du cessionnaire en cas de réalisation forcée des parts sociales n’est pas applicable au nantissement réalisé en application de l’article 2348. La même exclusion vaut en cas de substitution à l’acquéreur par les associés (CC : art. 1867).
Modifications du CPCE
(ord. : art. 30 / CPCE : L.211-3 et L.221-5)
En matière de saisie-attribution, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. L’ordonnance ajoute à la liste les nantissements.
S’agissant de la saisie-vente et plus précisément de ses incidents, seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente les créanciers saisissants ou opposants qui se sont manifestés avant la vérification des biens saisis et ceux qui, avant la saisie, ont procédé à une mesure conservatoire et désormais à la publication d’une sûreté sur les mêmes biens. Le décret (n° 2021-1888) du 29 décembre 2021 complète le dispositif. Une articulation est faite entre les procédures de saisie-vente mobilière et les sûretés inscrites sur le bien saisi, afin de permettre aux créanciers bénéficiaires de ces sûretés de participer à la distribution des deniers et à l'acquéreur d'obtenir un titre de propriété libre de tout droit.
Pour mémoire, en matière de vente amiable précédent la vente forcée du bien aux enchères publiques, le débiteur informe l’huissier de justice chargé de l’exécution des propositions qui lui ont été faites (CPCE : art. L221-3). Le décret ajoute ainsi que :
- chaque créancier titulaire d'une sûreté publiée doit dans un délai de 15 jours, faire connaître à l'huissier de justice la nature et le montant de sa créance. A défaut, il perd le droit de concourir à la distribution des deniers résultant de la vente amiable, sauf à faire valoir ses droits sur un solde éventuel après la répartition ;
- sur justification du paiement du prix, les inscriptions de sûretés prises sur les biens vendus du chef du débiteur saisi sont radiées.
Création d’un registre des sûretés mobilières et des opérations connexes
(ord. : art. 31 / CCH : L.541-2 et L.541-3)
Afin d'harmoniser les règles de publicité des sûretés mobilières et de les centraliser, un "registre des sûretés mobilières et des opérations connexes" est créé.
Ce registre devra être institué et tenu, selon les cas, par le greffier du tribunal de commerce, celui du tribunal judiciaire statuant commercialement ou du tribunal mixte de commerce (Code de commerce : R.521-5).
Le décret (n°2021-1887) du 29 décembre 2021 détermine :
- les sûretés mobilières et les opérations connexes devant faire l’objet d’une inscription au registre ;
- les modalités d'inscriptions initiales, modificatives, de radiation et les modalités de consultation des informations inscrites au registre des sûretés mobilières ;
- les obligations des greffiers qui tiennent le registre
- les recours ouverts en cas de décision de refus de ces derniers.
Le conseil national des greffiers des tribunaux de commerce est chargé de la mise en œuvre d'un portail internet permettant la consultation gratuite des informations inscrites au registre.
Le registre sera mis en place le 1er janvier 2023.
Sont notamment publiés dans le registre, les arrêtés d'insalubrité, de péril et d'insécurité relatifs à un fonds de commerce exploité à des fins d'hébergement. Pour rappel, dans ces hypothèses, les exploitants successifs du même fonds dans les mêmes locaux postérieurement à cette publicité sont solidairement tenus avec l'exploitant du fonds à la date de l'arrêté, du paiement des sommes résultant des mesures exécutées d'office et des frais d'hébergement ou de relogement des occupants (CCH : L.541-2).
Les arrêtés d’insécurité ou d’insalubrité qui doivent être publiés au fichier immobilier ou au livre foncier doivent également faire l’objet d’une publication sur le registre. Pour mémoire, le propriétaire de l'immeuble et l'exploitant du fonds de commerce ainsi que leurs cessionnaires successifs sont solidairement tenus du paiement des sommes résultant des mesures exécutées d'office et des frais d'hébergement ou de relogement des occupants.
Le propriétaire de l'immeuble et l'exploitant du fonds de commerce sont solidairement tenus à compter de la notification qui leur a été faite de l'arrêté par l'autorité administrative (CCH : L.541-3).