Covid-19 : loi d'urgence
N° 2020-11 / À jour au 24 mars 2020
Loi n° 2020-290 du 23.3.20 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (JO du 24.3.20)
Déposé le 18 mars 2020, le projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a fait l’objet d’une procédure législative accélérée : le texte a été adopté en première lecture par le Sénat le 19 mars et par l’Assemblée nationale le 22 mars. Les travaux menés en Commission mixte paritaire ont abouti à un accord. Le texte définitif a été voté par les deux assemblées le 22 mars 2020.
Le texte est structuré autour de quatre titres :
- Titre Ier : l’état d’urgence sanitaire
- Titre II : mesures d’urgence économique et d’adaptation à la lutte contre l’épidémie de covid-19
- Titre III : dispositions électorales
- Titre IV : contrôle parlementaire
Les différentes dispositions impactant le secteur du logement sont commentées ci-dessous.
Habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance
(loi : art. 11)
Le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans les trois mois suivant la publication de la loi, des mesures provisoires afin de répondre à la situation de confinement que connaît le pays (43 habilitations au total).
Ces projets d’ordonnance sont dispensés de toute consultation.
Un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai avant le 25 mai 2020 (deux mois à compter de la publication de chaque ordonnance).
Outre-mer : le cas échéant, il pourra les adapter en outre-mer (collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les îles Wallis et Futuna et la Polynésie française).
Habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance (loi : art. 14) : les délais dans lesquels le Gouvernement a été autorisé à prendre par ordonnances des mesures relevant du domaine de la loi sont prolongés de quatre mois, lorsqu’ils n’ont pas expiré à la date de 24 mars 2020 (date de publication de la présente loi).
Ce report concerne notamment des habilitations données par la loi ELAN :
- pour améliorer et renforcer la lutte contre l’habitat indigne avant le 23 mai 2020 (loi ELAN : art. 198). Le délai est donc reporté de quatre mois soit au 23 septembre 2020 ;
- pour mettre en œuvre le bail numérique (loi ELAN : art. 217).
Mesures économiques, financières et sociales
Pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie et afin de prévenir et limiter la cessation d’activité des personnes physiques et morales exerçant une activité économique et des associations ainsi que ses incidences sur l’emploi, le Gouvernement peut prendre toute mesure :
- d’aide directe ou indirecte à ces personnes dont la viabilité est mise en cause, notamment par la mise en place de mesures de soutien à la trésorerie de ces personnes ainsi que d’un fonds dont le financement sera partagé avec les régions, les collectivités d’outre-mer ;
- des mesures relevant du droit du travail ;
- modifiant, dans le respect des droits réciproques, les obligations des personnes morales de droit privé exerçant une activité économique à l’égard de leurs clients et fournisseurs ainsi que des coopératives à l’égard de leurs associés-coopérateurs, notamment en termes de délais de paiement et pénalités et de nature des contreparties ;
- adaptant le droit des entreprises en difficultés ;
- adaptant l’interdiction d’interrompre, pour non-paiement des factures, la fourniture d'électricité, de chaleur ou de gaz aux personnes ou familles fragiles, afin d’en prolonger le délai pour 2020 (CASF : L. 115 3)
- reportant la date de fin du sursis à toute mesure d’expulsion locative pour 2020 (CPCE : L. 412-6).
À noter : l’autorisation d’un report ou d’un étalement du paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité ne concernent que les locaux professionnels et commerciaux et vise les microentreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie (au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008).
Organisation administrative et juridictionnelle
Pour faire face aux conséquences, notamment de nature administrative ou juridictionnelle, de la propagation de l’épidémie, le Gouvernement est autorisé à prendre des mesures pour :
- adapter les délais et procédures applicables au dépôt et au traitement des déclarations et demandes présentées aux autorités administratives, les délais et les modalités de consultation du public ou de toute instance ou autorité, préalables à la prise d’une décision par une autorité administrative et, le cas échéant, les délais dans lesquels cette décision peut ou doit être prise ou peut naitre.
Les délais de réalisation par toute personne de contrôles, travaux et prescriptions de toute nature imposées par les lois et règlements, pourront également être adaptés, à moins que ceux-ci ne résultent d’une décision de justice ; - adapter, interrompre, suspendre ou reporter le terme des délais prévus à peine de nullité, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, déchéance d’un droit, fin d’un agrément ou d’une autorisation ou cessation d’une mesure, à l’exception des mesures privatives de liberté et des sanctions ;
- adapter les règles relatives à la compétence territoriale et aux formations de jugement des juridictions de l’ordre administratif et de l’ordre judiciaire ainsi que les règles relatives aux délais de procédure et de jugement, à la publicité des audiences et à leur tenue, au recours à la visioconférence devant ces juridictions et aux modalités de saisine de la juridiction et d’organisation du contradictoire devant les juridictions ;
- simplifier et adapter les conditions dans lesquelles les assemblées et les organes dirigeants collégiaux des personnes morales de droit privé et autres entités se réunissent et délibèrent ainsi que les règles relatives aux assemblées générales ;
- simplifier, préciser et adapter les règles relatives à l’établissement, l’arrêté, l’audit, la revue, l’approbation et la publication des comptes et des autres documents que les personnes morales de droit privé et autres entités sont tenues de déposer ou de publier, notamment celles relatives aux délais, ainsi qu’adaptant les règles relatives à l’affectation des bénéfices et au paiement des dividendes ;
- simplifier et adapter le droit applicable au fonctionnement des établissements publics et des instances collégiales administratives, y compris les organes dirigeants des autorités administratives ou publiques indépendantes, notamment les règles relatives à la tenue des réunions dématérialisées ou le recours à la visioconférence ;
- adapter le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l’impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires.
Accompagnement et protection des personnes en situation de handicap et des personnes âgées
Afin d’assurer la continuité de l’accompagnement et la protection des personnes en situation de handicap et des personnes âgées vivant à domicile ou dans un établissement ou service social et médico-social, des mineurs et majeurs protégés et des personnes en situation de pauvreté, le Gouvernement est autorisé à prendre toute mesure pour :
- permettre aux établissements et services sociaux et médico-sociaux autorisés d’adapter les conditions d’organisation et de fonctionnement de l’établissement ou du service et de dispenser des prestations ou de prendre en charge des publics destinataires figurant en dehors de leur acte d’autorisation ;
- adapter les conditions d’ouverture ou de prolongation des droits ou de prestations aux personnes en situation de handicap, aux personnes en situation de pauvreté, notamment les bénéficiaires de minima sociaux et prestations sociales et aux personnes âgées.
Fonctionnement des institutions locales
Afin d’assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l’exercice de leurs compétences, ainsi que la continuité budgétaire et financière des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, le Gouvernement est autorisé à prendre toute mesure permettant de déroger :
- aux règles de fonctionnement des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, s’agissant notamment de leurs assemblées délibérantes et de leurs organes exécutifs, y compris en autorisant toute forme de délibération collégiale à distance ;
- aux règles régissant les délégations que peuvent consentir ces assemblées délibérantes à leurs organes exécutifs ainsi que leurs modalités ;
- aux règles régissant l’exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales ;
- aux règles d’adoption et d’exécution des documents budgétaires ainsi que de communication des informations indispensables à leur établissement prévues par le Code général des collectivités territoriales ;
- aux dates limites d’adoption des délibérations relatives au taux, au tarif ou à l’assiette des impôts directs locaux ou à l’institution de redevances ;
- aux règles applicables en matière de consultations et de procédures d’enquête publique ou exigeant une consultation d’une commission consultative ou d’un organe délibérant d’une collectivité territoriale ou de ses établissements publics ;
- aux règles applicables à la durée des mandats des représentants des élus locaux dans les instances consultatives dont la composition est modifiée à l’occasion du renouvellement général des conseils municipaux.
Validité des titres de séjour
(loi : art. 16)
Le Gouvernement est autorisé, dans un délai d'un mois à compter de la publication de la présente loi, à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin de prolonger la durée de validité des visas de long séjour, titres de séjour, autorisations provisoires de séjour, récépissés de demande de titre de séjour ainsi que des attestations de demande d'asile qui ont expiré entre le 16 mars et le 15 mai 2020, dans la limite de 180 jours. Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de deux mois à compter de la publication de chaque ordonnance.
État d’urgence sanitaire
La loi d'urgence instaure un dispositif d'état d'urgence "sanitaire", à côté de l'état d'urgence de droit commun prévu par la loi du 3 avril 1955
Déclaration de l’état d’urgence sanitaire
(loi : art. 4)
L’état d’urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. L’état d’urgence sanitaire entre en vigueur sur l’ensemble du territoire national.
Toutefois, un décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé peut en limiter l’application à certaines des circonscriptions territoriales qu’il précise. La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà de cette durée de deux mois ne peut être autorisée que par la loi. Il peut être mis fin à l’état d’urgence sanitaire par décret en conseil des ministres avant l’expiration du délai.
Modalités de mise en place de l’état d’urgence sanitaire
Le texte modifie les modalités de mise en place de l’état d’urgence sanitaire : il pourra être déclaré par le Gouvernement sur tout ou partie du territoire métropolitain, ainsi que du territoire des collectivités d’outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie, en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population.
La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois ne pourra être autorisée que par la loi.
Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre pourra, par décret (Code de la santé publique : L.3131-15) :
- restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ;
- interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
- ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, des personnes susceptibles d’être affectées ;
- ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement, à leur domicile ou tout autre lieu d’hébergement adapté, des personnes affectées ;
- ordonner la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’Établissements recevant du public (ERP), ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ;
- limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ;
- ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens ;
- prendre des mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché de ces produits ;
- en tant que de besoin, prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire ;
- en tant que de besoin, prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire.
Les mesures prescrites devront être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y sera mis fin sans délai lorsqu’elles ne seront plus nécessaires.
Organisation et au fonctionnement du dispositif de santé (Code de la santé publique : L.3131-16) : dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le ministre chargé de la santé peut prescrire, par arrêté motivé, toute mesure réglementaire relative à l’organisation et au fonctionnement du dispositif de santé.
Habilitation des préfets (Code de la santé publique : L.3131-17) : lorsque le Premier ministre ou le ministre chargé de la santé prennent des mesures sanitaires, ils peuvent habiliter le représentant de l’État territorialement compétent à prendre toutes les mesures générales ou individuelles d’application de ces dispositions.
Sanction (Code de la santé publique : L.3131-20) : la violation des mesures sanitaires (autres que les réquisitions) sera punie d’une amende (4ème classe), dont le montant est augmenté en cas de récidive.
Les agents de police municipale, les gardes champêtres, agents de la ville de Paris et contrôleurs relevant du statut des administrations parisiennes pourront constater par procès-verbaux les contraventions lorsqu’elles sont commises respectivement sur le territoire communal, sur le territoire pour lequel ils sont assermentés ou sur le territoire de la Ville de Paris et qu’elles ne nécessitent pas de leur part d’actes d’enquête.